atelier Hart Berteloot

Conservatoire de musique de Montataire

Transformation d’une ancienne halle industrielle de Auguste Perret en école de musique et salle de diffusion

En réalisant l’usine de construction mécanique Wallut en 1919, auguste et Gustave Perret souhaitaient offrir des conditions dignes aux travailleurs. Un siècle plus tard, les volumes sous voûtes baignés de lumière naturelle se réaniment pour accueillir un pôle culturel. L’atelier lillois Hart Berteloot, associés à l’atelier Pierre Hebbelinck pour cette commande, s’attachent à magnifier l’ossature originelle en béton armé, d’une grande finesse. ils donnent forme à un péristyle, enclin par ses usages à tisser des liens avec son environnement, encore partiellement en friche.
Petite ville de l’Oise, Montataire recèle quelques pépites de l’architecture industrielle du XXe siècle. Les frères Perret y ont édifié deux usines, à l’arrêt depuis plusieurs années, qui connaissent aujourd’hui un sort très différent. Tandis que l’ancienne fonderie de la société Wallut renaît en pôle culturel, de l’autre côté de la rue, les ateliers Voirin-Marinoni à l’abandon sont honteusement vandalisés. C’est pourtant la première image que l’on a de la ville en arrivant de la gare, avant de rejoindre la halle fraîchement rénovée.

S’il est question de patrimoine dans tous les cas, les stratégies ne sont pas les mêmes. À Montataire, il s’agissait de greffer un nouveau récit à cette friche chargée de mémoire, sans altérer les qualités insufflées par les frères Perret. Un risque réel, compte tenu du cortège de normes et de réglementations aujourd’hui à prendre en compte pour rouvrir une ancienne usine au public.

Exosquelette
Édifiée en 1919 et agrandie en 1949, la fonderie se distingue par sa structure de béton armé. Dans leur quête de réduire la matière à l’essentiel, les frères Perret ont élaboré un système de voûtes extraminces et de fines colonnes qui libèrent deux grandes halles baignées de lumière naturelle. Entre ces volumes aboutés, la composition du béton s’est perfectionnée, la texture se faisant plus lisse et les ferraillages moins affleurants. Considérant que le squelette est la subs- tance même de ce patrimoine, les architectes cherchent à le magnifier en le curant de ses ajouts successifs. La dépose délicate de l’étage de l’aile nord rétablit la symétrie dans le premier bâtiment. Une construction attenante, sans intérêt patrimonial, est également démolie. En phase concours, les architectes décident de substituer des châs- sis de verre aux remplissages d’origine, en parpaings ; une solution écartée pour des raisons économiques, remplacée au cours des études par l’étanchéité bicouche noire. Ce matériau, utilisé habituellement en toiture-terrasse mais non répertorié dans les DTU français en pose verticale, il sera abandonné lui aussi au profit d’un enduit mince blanc sur isolant. Un parement beaucoup plus neutre qui, finalement, n’entre pas en concurrence avec la structure.
La conservation des verrières d’origine et la matérialité donnée à cette chair ont fait l’objet de nombreux débats avec l’ABF Virginie Coutand-Vallée. Pour les architectes, l’enjeu consistait à donner à lire la prouesse de l’ossature, et à exploiter sa malléabilité pour la rendre accueillante dans sa nouvelle affectation. Cette divergence idéologique au démarrage du projet – l’ABF ayant ensuite été convaincue – témoigne de la difficulté à redonner vie au patrimoine sans le figer, quand celui-ci n’est pas démoli. Dans cet état d’esprit, ils osent mettre du jeu entre la structure et les nouvelles façades placées en retrait. Cette mise à distance règle avec prag- matisme le problème des ponts thermiques. Elle ménage surtout un péristyle qui exalte le classicisme structurel des frères Perret. Par les usages auxquels il invite – des orchestres en plein air par exemple, comme le jour de l’inauguration –, ce péristyle acquiert également un statut urbain intéressant dans cette friche en devenir.

Vibration visuelle
En matière de réparation, l’idée est d’y aller délicatement, de conserver les traces du temps, comme les nombreuses épaufrures. Un microgommage, plus doux que le sablage, est appliqué à la charpente et le ragréage n’est prescrit que lorsqu’il est vraiment nécessaire. Pour être conforme à la réglementation sismique, des tirants métalliques discrets sont rajoutés, même si la structure s’en est passée pendant cent ans comme le soulignent les architectes.
À l’intérieur, les nouvelles salles s’insèrent dans un enchaînement fluide. La forme tout en longueur de l’usine, qui pouvait sembler contraignante, apporte au contraire une souplesse à l’organisation du plan. L’école de musique et les studios d’enregistrement sont installés dans la halle d’origine; la salle de diffusion, toujours en attente de son aménagement faute de financement, occupe la plus récente. À l’articulation de ces deux programmes, le hall d’accueil rend leur fonctionnement indépendant. L’utilisation de matériaux bon marché ou ordinaires pour les aménagements intérieurs est compensée par le dessin rigoureux de leur mise en œuvre. Les parpaings, laissés bruts, sont calepinés et jointoyés avec minutie, assurant le cloisonnement et l’isolation acoustique de certaines salles de musique.
Cette frugalité, assumée par les architectes mais pas toujours comprise par les usagers, est adoucie par l’habillage bois de certaines parois et la vibration visuelle subtile des panneaux verriers colorés (bleuté, rose…), semi-miroirs ou réfléchissants. Par le jeu des reflets et transparences, ce tra- vail très pictural de l’artiste Pierre Toby introduit volontairement une ambiguïté dans la lecture de l’organisation spatiale. Il rejaillit en façades sous la forme de rares touches colorées, qui font écho aux teintes de la friche alentour. L’aménagement urbain de celle-ci a fait l’objet d’une étude, confiée aux architectes jusqu’au permis de construire du pôle culturel. Entre-temps, les magasins Leclerc ont engagés leur propre équipe de maîtrise d’œuvre sur ces terrains qui leur appartiennent, à l’exception de l’usine, cédée à la ville. À défaut de revitaliser le site comme elle l’entend, la commune aura en tout cas réussi à impulser un rapprochement stratégique entre l’équipement culturel et le centre commercial très fréquenté.

Texte extrait de l’article de Cyrille Véran publié dans d’A n°264, Juillet-Aout 2018

 

MAÎTRE D’OUVRAGE :
Ville de Montataire

MAÎTRE D’ŒUVRE :
HBAAT en association avec AAPH
Pierre Toby, artiste

MAÎTRISE D’ŒUVRE ASSOCIÉE :
Egis / BET structure et fluides
Technicity / BET HQE
PHD ING / économiste
Kahle acoustics / BET acoustique
Art Sceno / BET scénographie
Joseph Abram / historien de l’architecture

PROGRAMME :
Transformation des anciennes halles industrielles des Frères Perret en Ecole de musique, Salle de diffusion et Studios d’enregistrements.

CRITÈRES PARTICULIERS :
Bâtiment inscrit dans le périmètre d’un Monument Historique / Halles industrielles des Frères Perret

SURFACE :
2 276 m2  (SHON)

BUDGET :
4 100 000 euros HT (2013)

RÉALISATION :
Livraison 2017 (Phase 1)

DISTINCTIONS :
Finaliste du prix Européen Mies Van der Rohe 2019

Lauréat du Prix AMO 2019

Pierre Toby_huile sur verre_01
Pierre Toby_huile sur verre
vue aérienne du site après guerre
Archives issues du fond Perret
Première maquette au 1/100 éme de l'exosquelette seul.
Recherches en maquette entre la structure et le programme.
Projet première version, maquette au 1/100 éme.
Projet deuxième version, maquette au 1/100 éme.
Projet troisième version, maquette au 1/50 éme.
Photographies : HBAAT

Conservatoire de musique de Montataire

Photographies : François Brix.
Photographies : Florian Buquet.
Photographies : Sergio Grazia.