atelier Hart Berteloot

Cinéma et pôle culturel

Au cœur de la métropole lilloise, HBAAT associée à V+ vient de livrer un pôle culturel qui se distingue par son intégration dans le contexte urbain comme par la générosité de ses espaces intérieurs. Ils développent ici avec brio le travail exigeant et critique qu’ils mènent depuis plusieurs années sur l’imaginaire moderniste. Le cinéma est à la fois un art, le septième, paraît-il, et l’édifice où selon l’expression consacrée sa magie opère sur une foule assemblée. On s’y rend pour voir des films par ailleurs disponibles à domicile d’un simple clic, donc d’abord pour partager une expérience collective qui commence par des retrouvailles sur le trottoir, se poursuit au guichet, dans les escaliers où l’on se bouscule, dans l’obscurité et les murmures d’avant-projection, et reprend de plus belle après la séance. Alors que la foule se disperse, on s’attarde au foyer devant les affiches des prochaines sorties, puis on traverse la rue pour boire un dernier verre et commenter le jeu des acteurs et les ressorts du scénario. Voilà en tout cas une pratique stimulante de la cinéphilie qui est susceptible de s’épanouir au Pont des arts, sis à Marcq-en-Baroeul au cœur de la métropole lilloise. Sur la place Paul-Doumer se déploie en effet un tout nouvel ensemble architectural qui rassemble trois salles de projection, une autre dédiée aux activités festives et une dernière aux répétitions de l’harmonie municipale. Trois volumes tout en rondeur émergent ainsi au-dessus d’un socle qu’occupe presque dans toute sa longueur une vitrine qui reflète les lumières de la ville. L’édifice n’a pas la monumentalité abstruse des multiplexes ; il ne prend pas son voisinage de haut – un assemblage hétéroclite de maisons et d’échoppes qui ne dépassent jamais les trois étages. Au contraire, il les complète sans pour autant les imiter, et trouve sa place avec naturel dans ce quartier qui fleure bon les années 1950. Le parking qui s’étale devant le bâtiment finit de l’ancrer dans un paysage d’entrée de ville qui n’est pas sans évoquer le strip commercial américain. Il ne manque qu’un big sign et quelques néons, mais bientôt le pignon qui se dresse à l’aplomb de la salle des fêtes s’illuminera de projections, et la ville pourra faire son cinéma pendant les longues soirées d’été.
Le jeu savant des volumes… L’intérieur de l’édifice est manifeste de la réduction a minima du second œuvre qui caractérise notablement leur travaux respectifs. Le hall d’entrée, le café et les deux failles qui donnent accès aux différentes salles révèlent ainsi une matérialité aussi rustique qu’élégante. Tempéré par les menuiseries, portes et garde-corps en chêne clair, c’est le terrazzo et surtout le béton brut qui s’imposent dans ces espaces de circulation généreux et complexes à la fois. Ici et là on trouve quelques imperfections propres au coulage des voiles, mais taches et bullages se présentent moins comme des défauts que comme d’heureux événements qui animent les parois verticales.
Les sous-faces des escaliers témoignent d’un coffrage aussi artisanal que savant dont les ouvriers maçons ont tiré beaucoup de fierté. Baigné de lumière naturelle, le hall central qui distribue les trois salles de cinéma offre au rez-de-chaussée une transparence entre le parvis et le jardin en cœur d’îlot. À l’étage, il permet d’accéder à la terrasse d’où le public profitera des projections en plein air, et aboutit à une grande fenêtre à croisée qui donne sur la place Paul-Doumer et le tumulte de la ville. Tout est donc fait pour que les spectateurs s’attardent après la séance là où dans la plupart des cinémas on orchestre leur évacuation immédiate. Si les salles de projection sont inévitablement soumises au diktat des normes, la salle festive et la salle de répétition présentent de belles proportions, prennent bien la lumière et bénéficient de quelques vues singulières sur le quartier. La rencontre entre les éléments — murs, sols, sous-faces, baies, etc. — est partout précisément pensée et dessinée par les architectes, et le soin accordé par les entreprises à la mise en œuvre des matériaux, telle la brique qui recouvre la façade ou tel le parpaing utilisé ici et là en intérieur, permet de sublimer leur rusticité. Construit avec des moyens financiers limités, le bâtiment possède ainsi une grande dignité, voire une certaine majesté.

Valery Didelon. Extrait de l’article consacré au projet et publié dans la revue d’A n°291,Juillet Aout 2021.

 

MAÎTRE D’OUVRAGE :
Ville de Marcq-en-Barœul

MAÎTRE D’ŒUVRE :
HBAAT, en association avec V+ (Bruxelles)

MAÎTRISE D’ŒUVRE ASSOCIÉE :
Greisch / BET structure
BEA / BET fluides
JM BECQUART / économiste
Daidalos / BET acoustique
Theatre Projects / scénographe
L&V / Paysagistes

PROGRAMME :
Construction d’un complexe cinématographique composé de 3 salles, 80, 120, 300 ; d’un complexe polyvalent avec une salle de 700 convives ; d’une annexe de l’école de musique et d’une brasserie au rez-de-chaussée

CRITÈRES PARTICULIERS :
RT 2012

SURFACE :
2 767 m2 (SU)

BUDGET :
7 800 000 Euros/HT

RÉALISATION :
Livraison 2021

DISTINCTIONS :
Grand Prix d’Architectures 2021
Prix Mies Van der Rohe 2024 : nominé

PHOTOGRAPHIES :
Chantier / PM Rouxel
Livraison / Cyril Weiner

 

Cinéma Odéon, USA, 1930.
David-Claerbout, Shadow-piece, 2005.
Willem-Marinus Dudok, Hôtel de Ville de hilversum, 1931.
Willem-Marinus Dudok, Hôtel de Ville de hilversum, 1931.
Travaux textile réalisés avec Chevalier-Masson.

Cinéma et pôle culturel

Photographies : Cyril Weiner